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introduction, § vii.

la demeure d’autrui il fera son salut et que Dieu lui donnera parce qu’il aura volé :

Car Dieu tient son arc tendu, et tire là où il veut tirer. Il frappe là où il faut, rendant à chacun la récompense qu’il mérite, selon qu’il a été vicieux ou vertueux[1].

La fin tragique de Baudouin est, selon toute apparence, l’événement qui empêcha Guillem de continuer son œuvre. Il s’était arrêté, au commencement de l’année 1213, au moment de l’arrivée du roi d’Aragon, attendant la suite des événements, et nous n’avons aucun motif de croire qu’il ait repris son récit. Sans doute, entre ce moment et celui de la mort de Baudouin, il s’écoula une année entière, année marquée par un grave événement, la bataille de Muret ; mais le récit que le poème nous présente de cette bataille n’est pas de Guillem : on y reconnaît une langue, une manière, des tendances absolument différentes. C’est dès lors, et jusqu’à la fin du poème, un ennemi acharné de la croisade qui tient la plume. Faut-il croire que Guillem, écrivant sa chronique à mesure que les événements parvenaient à sa connaissance, avait poussé le récit jusqu’à la mort de son protecteur, et que le continuateur a supprimé les dernières pages de son devancier pour les récrire à sa façon ? Ce serait là une hypothèse à laquelle il serait sans doute difficile d’opposer des objections tout à fait décisives, mais qui, à tout le moins, ne se recommanderait pas par la vraisemblance. Le récit de la bataille de Muret, tel que nous l’offre le poème, est assez maigre ; les événements qui suivirent sont racontés d’une façon incomplète et très superficielle ; l’histoire des années 1213 et 1214 est le morceau le plus

  1. Voir le texte de ce sirventès dans mon Recueil d’anciens textes, partie provençale, n° 18. La forme en est imitée d’une pièce de Raimon de Miravals adressée à Pierre d’Aragon, Parnasse occitanien, p. 229 ; Mahn, Werke d. Troubadours, II, 128.