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croisade contre les albigeois.

vaillance, sa chevalerie, sa fierté. [9145] Si nous ne l’abattons pas avant qu’il nous ait vaincus, la bataille finira mal pour nous. »

À ce moment vint le jeune comte galopant au-devant des siens, semblable à un lion ou à un léopard déchaîné, emporté tout droit par son cheval noir. [9150] La lance baissée, la tête inclinée sous le heaume, il se jeta dans le fort de la mêlée, et frappa Jean de Berzi qui s’était porté en avant. Il lui donna un tel coup de son épieu niellé qu’il lui perça le haubert, le pourpoint, le justaucorps de soie, [9155] l’abattit à terre, et passa outre en criant « Toulouse ! francs chevaliers ! chargez sur la gent étrangère ; frappez, taillez ! » Il se tourne, fait volte-face, et frappe de tous côtés, défendu et protégé par sa mesnie, [9160] Arnaut[1] leur porte la bannière à la face. Jean de Berzi s’est relevé, et de son épée acérée il frappe, tranche et brise. Là vint en hâte Peire Guillem de Seguret, et il frappa le comte là où il put l’atteindre, [9165] sur le ceinturon, où le haubert est serré [à la taille], si bien qu’il lui coupa la sangle et que l’acier [du haubert] fut brisé. « Montfort ! Montfort ! » crie-t-il, « hardi ! francs chevaliers. » Mais le comte ne bronche ni ne se déconcerte. Au milieu des cris, du tumulte, des barons acharnés, [9170] de toutes parts a commencé le jeu des épées, des masses, des lames trempées. De coups, de horions avec les fourreaux (?) dorés, ils se frappent sur la poitrine et sur les flancs, tranchant les verts heaumes vergés[2], [9175] les hauberts de mailles

  1. Arnaut de Villemur ? cf. v. 9039 et 9089.
  2. Voy. le vocab. au mot vergatz.