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introduction, § viii.

en ce qui concerne le vicomte de Carcassonne et Béziers. Le comte de Toulouse ne fut réellement dépossédé de son comté qu’après Muret, et la spoliation ne reçut la sanction pontificale qu’au concile de Latran, en 1215. Nul doute que Guillem n’eût enregistré avec regret un acte dont il paraît désapprouver les préliminaires. La réserve avec laquelle il s’exprime au sujet des conditions faites à Raimon VI par les conciles de Saint-Gilles et d’Arles (ce dernier connu par lui seul) nous le montre très-éloigné de la politique des légats[1]. En somme, Guillem était un homme pacifique, animé de ce que nous appellerions maintenant des sentiments conservateurs, plein de respect pour les seigneurs et pour l’ordre de choses établi. Pour lui, la croisade est une force irrésistible, une bourrasque qu’il faut laisser passer en courbant la tête : « Contre l’ost de Christ il n’y a château qui tienne, ni cité qu’ils trouvent, si bien fermée qu’elle soit. Et c’est pourquoi bien fol est celui qui fait la guerre aux croisés. Aucun homme ne s’en réjouit qui à la fin n’ait été abattu[2]. » La prudence, en ce qu’elle a de moins héroïque, est la vertu qu’il recommande ; il est avant tout un homme de juste milieu. Ceux de Castel-Sarrazin, qui ont ouvert leurs portes aux croisés, ont agi « en gens sages et loyaux, et de façon à éviter tout reproche. Ils savent bien que si le comte de Toulouse peut recouvrer sa terre et conclure un accord avec le pape, ou que si le roi d’Aragon est assez puissant pour vaincre les croisés et les repousser en champ de bataille, alors ils reviendront à leur légitime seigneur. Dans ces conditions, ils ne veulent pas se faire occire et tuer, et prirent exemple des bourgeois d’Agen qui les premiers se rendirent. De deux maux on doit

  1. Fin de la tirade LVIII et tirade LIX à LXI.
  2. V. 1517-21.