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introduction, § viii.

toujours choisir le moindre[1] ». Et il cite une parole d’un certain « B. d’Esgal », d’ailleurs inconnu, dont le sens est que, si on a un gué à passer, il est sage d’avoir un voisin de chaque côté, de façon que si on en voit un se noyer, on soit averti à temps du danger. Guillem de Tudèle est là tout entier.

Nous connaissons maintenant notre personnage. Nous savons que nous n’avons à attendre de lui ni élan poétique ni sentiments élevés. C’est un simple versificateur, et des plus médiocres. Il ne sait pas composer. Ses récits sont mal présentés et mal enchaînés. Il écrit avec un vocabulaire très pauvre et rime péniblement à grand renfort de chevilles. Mais il lui reste un mérite : celui d’être un chroniqueur honnête.

G. de Tudèle avait vu passer la croisade de 1208. Habitant Montauban, il eût été difficile qu’il ne vit pas quelque partie de cet immense défilé, et il nous a fait part de l’impression que lui avait causée ce spectacle nouveau[2]. Il avait vu probablement aussi se former l’ost de Toulouse, en 1211[3]. Mais on ne peut affirmer qu’il eût été présent à aucun des épisodes de la guerre. Du moins ne se donne-t-il nulle part comme témoin oculaire. En un endroit il va même jusqu’à dire que s’il avait pu accompagner les barons entre lesquels Simon de Montfort partagea le vicomté de Carcassonne et Béziers, s’il avait pu parcourir avec eux les pays conquis, « plus riche en serait le livre, et meilleure la chanson[4] ». G. de Tudèle, bien qu’assurément homme modeste, comme la phrase même qui vient d’être rapportée le prouve, aimait à se

  1. V. 2483 et suiv.
  2. V. 168 et suiv.
  3. V. 1945 et suiv.
  4. V. 842-5.