Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/75

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introduction, § ix.

ainsi : « le preux Rogier Bernart qui me dore et me met en splendeur », quem daura e esclarzis. L’expression est un peu vague. Fauriel[1] en a conclu que « notre poète avait vécu dans l’intimité du comte de Foix[2], et qu’il avait été par lui comblé de dons et de bienfaits ». Cette interprétation n’est pas invraisemblable ; toutefois elle ne peut être admise qu’avec certains tempéraments. Il a pu faire partie de la suite du comte de Foix ou de son fils, mais non pendant toute la période qu’embrasse le récit (1213-1219). Plus on étudie ce récit, plus on acquiert la conviction que le poète a raconté ce qu’il avait vu. Or il a vu, et très bien vu, certains événements auxquels ni le comte de Foix ni son fils Rogier Bernart n’ont assisté : l’arrivée du comte de Toulouse et de son fils à Marseille après qu’ils eurent quitté Rome ; leur marche véritablement triomphale à travers la Provence et le comtat Venaissin[3] ; surtout le siège de Beaucaire raconté avec des détails d’une si minutieuse précision qu’il est difficile que l’auteur n’y ait pas assisté en compagnie du jeune comte (plus tard Raimon VII)[4]. Si donc notre poète anonyme a été en effet honoré de la protection de Rogier Bernart, si, par une conséquence naturelle, il s’est trouvé faire partie de la suite de ce seigneur, on ne peut faire remonter ces rapports plus haut que l’entrevue de Raimon VI avec plusieurs seigneurs du Midi chez Rogier de Comminges, vers le milieu de l’année 1217[5], époque à

  1. Introduction à son édition du poème, p. XXIV.
  2. Ou plutôt de son fils.
  3. V. 3732-3844.
  4. V. 3916-4964.
  5. Tirade CLXXXI. Par une erreur d’impression, la date placée en haut des pages dans la traduction est 1216, au lieu de 1217. Cette dernière date devrait commencer à la tirade CLXXX, au siège de Montgranier, qui dura du 6 février au 24 mars 1217 (n. st.).