Page:La Conque, 1891-1892.pdf/18

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Des pâtres, qui chantaient les pâles indolences,
Ont frissonné d’horreur aux premières étoiles
Les marchands accourus pour étaler des toiles,
En fuyant, ont brisé leurs poids et leurs balances ;

Et les chefs, qui trainaient le bronze de leur glaive
Dans l’ombre droite et sereine des chapiteaux,
Ont frémi, tant la dalle éprise d’un vieux rêve
Dormait, indifférente à tous grossiers échos…



Or, pareil aux camps sans rois, aux temples sans cuites1,
Aux tours vierges, comme le marbre inhabité,
Blancs degrés, dôme clair au dessus des insultes,
Siégeait inaltérable en sa viduité,

La rage a sonné l’alarme De la Cité
Belliqueuse et des bois, guerriers au geste brusque
Doux pasteurs, prêtres au parler mystérieux,
Peseurs d’or, plèbe prompte à secourir ses Dieux,

Pèlerins méconnus que le silence offusque,
Gravirent furieux la crête du rocher.
Leur main rude, arrachant la roncè et ia îambrUsquè,
Joignit l’yeuse au frêne en tragique bûcher :

Et voilà, quand l’Azur palpitait sur la flamme,
Que; las de secouer les torches, oublieux
D’épier, dans l’éclair bleu, la fuite de l’Ame,
Devant te meurtre inepte ils ont fermé les yeux !…



Un informe débris fume sous la bruine,
Où se dressait le trône et le plafond du cèdre.
Le crépuscule pleure et chuchotte aux ruines
Le mystère défunt dont la Mort tient la clé :

Car la haine, qui veut son œuvre sans remôdè
S’acharne vainement aux dalles de l’exhèdre
Nul regard, en fouillant ruitel inviolé,

Sous le frémissement de la cendre encor tiède
Ne voit SalgnCr le ccâur d’un Phénix envolé…


MICHEL ARNAULD.