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Sur ce glauque tombeau la funérale rose.

Sois, ma lèvre, la rose effeuillant son baiser
Pour que le spectre donne en son rêve apaisé,
Car la Nuit parle à demi-voix seule et lointaine
Aux calices pleins d’ombre pâle et si légers,
Mais la lune s’amuse aux myrtes allongés.

Je t’adore, sous ces myrtes, ô l’incertaine !
Chair pour la solitude éclose tristement
Qui se mire dans le miroir au bois dormant,
O chair d’adolescent et de princesse douce !
L’heure menteuse est noble au rêve sur la mousse
Et la délice obscure emplit le bois profond.
Adieu ! Narcisse, encor ! Voici le Crépuscule.
La flûte sur l’azur enseveli module
Des regrets de troupeaux sonores qui s’en vont !…
Sur la lèvre de gemme en l’eau morte, ô pieuse
Beauté pareille au soir, Beauté silencieuse,
Tiens ce baiser nocturne et tendrement fatal,
Caresse dont l’espoir ondule ce crystal !

Emporte la dans l’ombre, ô ma chair exilée
Et puis, verse pour la lune, flûte isolée,

Verse des pleurs lointains en des urnes d’argent.


(Fragment)
Paul Valéry.




L’INDIFFÉRENT



Au fronton, dénué des masques et d’emblèmes,
Sans lierre ni roses, sans éveil d’oiseau
Ni froisement de plis soyeux, les pierres blêmes
S’ouvraient, comme un regard aveugle sur les eaux.

Le vent n’y berçait qu’un subtil souffle d’énigme.
— Nuls rayons transparus sous la porte, les nuits ;
Nuls bruits, ne dénonçaient la présence anonyme
D’un maître venu là songer d’anciens ennuis.

Il émanait du marbre une pourpre vivante,
Pour l’adieu du soleil sombrant vers le cap noir ;
— Mais quel amour secret du gloire ou d’épouvante
Vibrait, dans cette lutte avec es feux du soir !…