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PLAINTE À JĖSUS



Ô doux Jésus, si tu réchauffes
De l’enfant jusqu’au vieillard chauve,
Tous les humbles et tous les pauvres
Qui pour dormir n’ont pas un toit,
Si tous ceux qui suivent ton culte
Et la loi d’amour qu’il inculque
Ne descendront dans le sépulcre
Que pour ressusciter en toi,

Si ces mots, comme tu l’attestes,
Affranchis des liens terrestres,
Seront relevés par ta dextre
Et verront le trône de Dieu,
Seigneur, il faut que tu m’épargnes
Lorsque Satan sur moi s’acharne,
Et, prenant pitié de mes larmes,
Que tu me mènes aux Saints-Lieux.

Ainsi qu’un fol enfant du siècle
Je me laissais aller sans règle
À tous les penchants d’un cœur faible
Et j’étais mort selon l’esprit,
Et quand sur moi venait le monstre,
J’allais moi-même à sa rencontre,
Je l’appellais pour me corrompre
Au lieu de lutter contre lui.

Si mon repentir ne t’ébranle
Pourrai-je plus, sans que je tremble,
Tourner mes regards vers ce temple
Que tu t’es construit dans l’azur ?
Devant ta face, ô Juge intègre,
Après mon passé que j’exècre
Comment oserai-je paraître ?
Je n’ai rien en moi que d’impur.

Le soir, quand l’horizon s’entr’ouvre
Et s’enflamme en lueurs de pourpre,
Je crois voir se creuser le gouffre
Où doivent sombrer les méchants,
Car je suis un fils des Ténèbres,
Car mon esprit, mes yeux, mes lèvres,
Et la main que vers toi je lève
Se sont employés pour Satan.