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LA FEMME QUI DANSE



Elle danse, elle est nue, elle est jeune ; ses flancs
Ondulent avec un déhanchement farouche ;
Un frisson lumineux monte de ses pieds blancs,
Mais le sourire fait une fleur de la bouche
Sous le regard languide entre les cils tremblants.

Ses doigts caressent vers des lèvres ignorées
Le galbe blanc, la chaleur douce de ses seins
Et son battement d’aile invite les essaims
Des baisers, à l’abri des épaules dorées.

Puis la taille ployée à la renverse, tend
Le pur ventre, gonflé d’un souffle intermittent, —
Et sur l’arachnéen fourreau noir de sa robe

Deux lys voluptueux avec des gestes vains
Ses bras tourneurs au rythme lent des luths divins

Cherchent l’imaginaire amant qui se dérobe…


P. L.




PÉGASE



De ses quatre pieds purs faisant feu sur le sol,
La Bête chimérique et blanche s’écartèle
Et son vierge poitrail que nul cran d’or n’attelle
S’éploie en un vivace et mystérieux vol.

La crinière enflammée en rayons d’auréole
Casque d’aube et d’argent le cheval immortel
Qui luit sur la clarté du froid nocturne, tel
Orion scintillant à l’air glacé d’Eole.

Et comme au temps où les Esprits sereins et beaux
Buvaient au flot sacré jailli sous les sabots
L’illusion des sidérales chevauchées,

Les poëtes en deuil de leurs cultes perdus,
Imaginent encor sous leurs mains approchées
L’étalon rétif fuir dans les cieux défendus.


CLAUDE MOREAU.