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PIÉDESTAL

La chapelle où s’arrêtent mes pas
La chapelle
Où quelque voix de triste aurore appelle
Et d’où l’on ne revient pas
Sans une âme changée
Je ne saurais
M’y guider qu’à travers les marais
Où le ciel vespéral se moire en mer orangée
Couleur de gloire
Mais l’eau d’or se rassérène, sans mémoire
Des pieds calleux, des pieds las,
L’eau longue d’or sous le céleste soir lilas
Et c’est la voie au firmament couleur de gloire
Vers la chapelle où s’arrêtent mes pas.

Le parvis où j’ai rêvé d’être, de toute
Éternité
M’attendant au terme de la route
Dans l’auréole des soirs d’été
C’est la virginité
Marmoréenne des colonnes sous la voûte

Ô chapelle
Où quelque voix de silence m’appelle
Enveloppé de laine blanche à plis profonds
Seul
Voilant sous ce gonflement de linceul
Les sursauts matés des désirs moribonds
J’irai
Vers le chœur de l’Esprit ignoré
Où s’épure à genoux la malheureuse âme
Aux pâles rayons des mains hautes et vierges

Mais sur nulles marches d’autel vers la femme
Et qu’en l’absence des simulacres et des cierges
Seul au centre du chœur se carre
Le pur piédestal de carrare
Où le seul rêve sera statue.

Et gisant par le désert des dalles
Effraye de la nef soudain tue
J’évoquerai la forme féminine surgie
Hors des lignes pyramidales
Mes yeux en éveil m’ouvriront leur magie
Grands ouverts sur le rêve
De la Vierge en la paix des voiles, qui s’élève.

(Fragment de la Vierge)