Page:La Curne - Dictionnaire historique - 1875 - Tome 01.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
AC — 70 — AC


coup d'analogie avec celle des mots latins dans lesquels on croit apercevoir l'origine de ce même verbe.

On a dit, au premier sens, s'acointer pour s'approcher en général :

Cil remande les soes gens Qu'il viengnent, pris lor garnemens, Que jusqu'à pou s'acointeront Là où li Baron s'ajousteront.

Athis, MS, fol. 94, R° col. 1.

Dans une signification plus particulière, acointer quelqu'un, pour l'approcher l'aborder à dessein de lui parler. " Personne ne les saluoit ni acointoit. " (Essais de Montaigne, T. III, p. 489.)

De là l'expression " s'acointer de paroles à quelqu'un, " pour l'aborder en lui parlant. " De paroles s'acointa à chascun moult honorablement. " (Chron. St Denys, T. I, p. 265.)

Souvent ce mot dans le sens d'approcher, aborder quelqu'un, emportoit une idée de familiarité ; d'où vient acointer ou acointier pour faire connoissance, se familiariser, lier commerce avec quelqu'un. " Souvent maudissoient l'heure et le jour. que de la Demoiselle s'étoit acointé. " (Ger. de Nevers, part. I. p. 37.)

Amis, or vous voil-je prier Que vous m'aidiez à acointier A ces Dames, à ces Pucelles Qui sont à la cité moult belles.

Athis, MS. fol. 41, R° col. 2.

On disoit aussi dans le même sens, mais figurément, " acointer les maux, " pour se familiariser avec les maux. " Peu y en a qui considèrent les maux en eux-mêmes, qui les goustes et accoinctent, comme fit Socrates la mort. " (Sagesse de Charron, p. 591.)

En particularisant cette idée de familiarité, on a dit " acointer une femme, " dans le sens où nous disons encore la fréquenter. " Quand il fu revenu de Rome, il acointa la femme à un Mercier. " (Martene, Contin. de G. de Tyr. T. V. col. 605.)

On appliquoit quelquefois cette idée de fréquentation à la femme. De là, nous lisons : " Honneur aux femmes d'avoir acointé plusieurs masles. " (Sagesse de Charron, p. 333.)

Un de nos anciens Poëtes a dit, en parlant de l'infidélité de Coronis :

Quant Phebus oy la nouvelle Du Corbel qui dist que la belle Qu'il aime de fin cuer entier, Le lait, pour un autre acointier, etc.

G. Machaut, MS. fol. 205, V° col. 3.

Par une extension de l'idée de familiarité, liaison, acointer signifioit, allier, associer, unir. (Gloss. de Marot.) C'est dans le sens d'associer qu'on lit :

A son fils les acointe, et fet D'eles et de lui un douz plet.

Fabl. MS. du R. n° 7218, fol. 124, V° col. 2.

L'idée d'associer, emportant celle de faire part, on a dit acointer, pour faire part ; accointer d'une chose, en faire part, la communiquer, l'apprendre : " Si les acointa de ce que l'en luy avoit compté, et leur dit, etc. " (Lanc. du Lac, T. II, fol. 102, R° col. 1.)

.... son noble atour bel et gent .... Simple fait, appert et acointe M'acointoit et encore acointe Que me tenisse cointement.

G. Machaut, MS. fol. 22, V° col. 2.

C'est-à-dire : M'apprenoit et m'apprend encore que je dois, etc.

On approche son ennemi pour le combattre. De là, le verbe s'acointer, pour se battre en s'approchant, se joindre, se mesurer : c'est ainsi qu'on verra ci-après assembler, se mesler, combattre. " Autresfois avez bien ouy comment deux Chevaliers se sçavent entre accoincter aux espées, quant il touche l'honneur de l'ung et de l'autre. " (Percef. Vol. II, fol. 34, R° col. 2.)

Par les selles faire widier Se cuide à vous bien acointier.

Athis, MS. fol. 41, R° col. 2.

C'est encore en remontant à la signification d'acointer, approcher, que l'on remarque que de cette idée l'on a pu passer à celle de voir de près, apercevoir. Aussi lisons-nous que le père d'Athis, ignorant l'amour de son fils qui se mouroit :

Ne pot sentir, n'acointier Signe de mort, ne destorbier, Qu'Athis eust dont se plaignoit.

Athis, MS. fol. 21, V° col. 1.

On a vu ci-devant acoint, pour coint, orné, paré. De là, le verbe acointer, pour orner, parer. (Oudin, Dict.) " Faire coint et joli. " (Monet, Dict.)

Sa léesse m'esjoissoit, Sa cointise m'acointissoit, Et son gent corps m'agentissoit.

G. Machaut, MS. fol. 283, V° col. 3.

(Voy. COINTER ci-après.)

Enfin, par extension de l'idée d'acointer, parer, ajuster, ce mot a signifié s'arranger, se disposer : " S'accoincta moult fort de garder la Ville et le Chastel de Sanxerre. " (Froissart, Vol. III, p. 38.) De même acesmer, parer, orner, a signifié aussi s'arranger, se disposer.

VARIANTES :

ACOINTER. Athis, MS. fol. 94, R° col. 2. - Gloss. du Rom. de la Rose. - Ern. Caupains, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. III, p. 1257.

ACCOINCTER. Celthell. de Leon Trippault.

ACCOINTER. Monet. Dict. - Faucher, Lang. et Poës. fr. p. 93. - Aresta amorum, p. 174, etc.

ACOINTIER. J. Erars, Anc. Poët. Fr. MSS. avant 1300, T. II, p. 663.

ACOINTIR. G. Machaut, MS. fol. 185, V° col. 3.

ACOMPTER (lisez ACOINTIER). Modus et Racio, MS. fol. 276, R°.

Acointères,

subst. masc. Galant. Ami, camarade.

Proprement, qui aborde familièrement, galamment : " Renommée avez d'estre le plus grand acointeur de tous les Chevaliers errans ; car nulle femme ne s'en va à faulte. " (Percef. Vol. V, fol. 63, R° col. 1.)