Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Bella, elle m'assura qu'elle n'était point changée et comme je n'avais point de sujet précis de me plaindre et que je n'étais blessé que d'un certain air répandu dans toutes ses actions, il lui était aisé de se défendre ; aussi le fit elle avec tant de dissimulation et d'adresse qu'elle me rassura pour quelque temps.

Don Ramire lui parla du soupçon que j'avais de son changement, et il lui en parla dans le dessein de pénétrer ce qui en était, et sans doute avec envie de trouver que je ne me trompais pas. Je ne suis point changée, lui dit elle, je l'aime autant que je l'ai aimé, mais, quand je l'aimerais moins, il serait injuste de s'en plaindre. Avons-nous du pouvoir sur le commencement ni sur la fin de nos passion ? Elle dit ces paroles en le regardant avec un air qui l'assurait si bien qu'elle ne m'aimait plus, que cette certitude, qui donnait de l'espérance à don Ramire, lui ouvrit entièrement les yeux sur la beauté de cette infidèle et il en fut si touché dans ce moment que, n'étant plus maître de lui même : Vous avez raison, madame, lui dit-il, nous ne pouvons rien sur nos passions ; j'en sens une qui m'entraîne sans que je m'en puisse défendre, mais souvenez-vous au moins que vous tombez d'accord qu'il ne dépend pas de nous d'y résister. Nugna Bella comprit aisément ce qu'il voulait dire, elle en parut embarrassée, et il en fut embarrassé lui-même. Comme il avait parlé sans l'avoir prémédité, il fut étonné de ce qu'il venait de faire ; ce qu'il devait à mon amitié lui revint à l'esprit dans toute son étendue ; il en fut troublé il baissa les yeux et demeura dans un profond silence. Nugna Bella, par des raisons à peu près semblables,