Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/179

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chose dont je suis si étonnée que je ne la puis comprendre. Elvire (c'est ainsi que s'appelait cette fille) me conta alors ce qu'elle avait entendu et me donna une surprise encore plus grande que n'avait été la sienne. Je lui fis redire la même chose une seconde fois ; comme elle achevait, la reine sortit et interrompit notre conversation. Je sortis avec elle et n'ayant pas l'esprit en état de demeurer auprès du prince, je m'en allai seul dans les jardins du palais pour faire réflexion sur une si étrange aventure.

Je ne pouvais m'imaginer qu'un prince qui me traitait si bien, voulût me faire chasser de la cour sans sujet ; je ne pouvais comprendre ce qui lui pouvait faire souhaiter mon éloignement ; je ne pouvais deviner ce qui l'obligeait à me témoigner de l'amitié lorsqu'il n'en avait plus ; enfin, je ne pouvais croire que ce que je venais d'apprendre fût véritable et que don Garcie eût la faiblesse de rn'abandonner. Comme je l'aimais beaucoup, j'étais touché de son changement jusques au fond l'âme. Ne pouvant soutenir la douleur que je ressentais je voulus chercher don Ramire pour avoir le soulagement de me plaindre avec lui.

Dans cette pensée je rn'approchai du palais, je trouvai un des officiers de la chambre de don Garcie que j'avais donné à ce prince et qui était plus proche de sa personne qu'aucun autre. Je lui dis de voir si don Ramite n'était point chez le prince et de le prier, de ma part, de me venir trouver à l'heure même. Cet officier me répondit qu'il n'y était pas, qu'il n'y viendrait sans doute selon sa coutume qu'après que tout le monde serait retiré. Je demeurai extrêmement surpris