Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/197

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donne l'amour, quand il est séparé de l'espérance. Toute sa consolation était de se plaindre avec Alphonse et de se blâmer lui-même de la faiblesse qu'il avait d'aimer Zayde.

— Vous vous accusez avec injustice, lui disait quelquefois Alphonse, il n'est pas aisé de se défendre, au milieu d'un désert, contre une aussi grande beauté que celle de Zayde, ce serait tout ce que vous pourriez faire au milieu de la cour, où d'autres beautés feraient quelque diversion et où du moins l'ambition partagerait votre coeur.

— Mais aime-t-on sans espérance ? disait Consalve. Et comment pourrais-je espérer d'être aimé, puisque je ne puis seulement dire que j'aime ? Comment le persuaderai-je, si je ne puis le dire ? Quelles de mes actions peuvent en assurer Zayde dans un lieu où je ne vois qu'elle et où je ne puis lui faire connaître que je la préfère aux autres ? Comment effacer de son esprit celui qu'elle aime ? Ce ne pourrait être que par l'agrément qu'elle trouverait en ma personne, et le malheur veut que mon visage lui conserve le souvenir de son amant. Ah ! mon cher Alphonse, ne me flattez point ; il faut que j'aie perdu la raison pour aimer Zayde, pour l'aimer autant que je fais, et même pour ne me pas souvenir d'en avoir aimé une autre et d'en avoir été trompé.

— Je crois aussi, répondit Alphonse que vous n'avez aimé qu'elle, puisque vous ne connaissez la jalousie que depuis que vous l'aimez.

— Je n'avais pas de sujet d'être jaloux de Nugna Bella, repartit Consalve, tant elle savait bien me tromper.

— On est jaloux sans sujet, répliqua Alphonse, quand