Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/250

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elle, il voulait lui parler ; il voulait qu'elle le vît ; il craignait de lui déplaire et n'osait se faire remarquer ni témoigner sa joie devant ceux qui étaient avec elle. Un bonheur si imprévu et tant de pensées différentes ne lui laissaient pas la liberté de prendre une résolution, mais enfin, après s'être un peu remis et s'être assuré qu'il ne se trompait pas, il se détermina à ne se point faire connaître à Zayde et à suivre sa barque jusques au port. Il espéra d'y trouver quelque moyen de parler à elle en particulier, il crut qu'il apprendrait le lieu de sa naissance et celui où elle allait, il s'imagina même qu'il pourrait juger, en voyant ceux qui étaient dans la barque, si ce rival, à qui il croyait ressembler, était avec elle, enfin, il pensa qu'il allait sortir de toutes ses incertitudes, et qu'il pourrait au moins témoigner à Zayde l'amour qu'il avait pour elle. Il eut bien souhaité que ses yeux eussent été tournés de son côté, mais elle rêvait si profondément que ses regards demeuraient toujours attachés sur la rivière. Au milieu de sa joie, il se souvint de la personne qu'il avait entendue dans le jardin de Tortose et, quoiqu'elle eût parlé espagnol, l'accent étranger qu'il avait remarqué, et la vue de Zayde si proche de ce même lieu, lui firent croire que ce pouvait être elle-même. Cette pensée troubla le plaisir qu'il avait de la revoir, il se souvint de ce qu'il lui avait ouï dire d'une première inclination, et, quelque disposition qu'on ait à se flatter, il était trop persuadé que Zayde avait pleuré un amant qu'elle aimait, pour croire qu'il pût prendre part à cette première inclination, mais les autres paroles qu'elle avait dites et qu'il avait retenues, lui laissaient de l'espé