Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 1.djvu/308

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doit s'attacher à vous plutôt qu'à moi ?

— Ah ! Zayde, repris-je, ne m'ôtez pas la seule chose qui m'empêche de mourir de douleur, je ne survivrais pas à celle que j'aurais si Alamir avait appris mes sentiments, j'en serais inconsolable par le seul intérêt de ma gloire, mais je le serais encore par l'intérêt de ma passion. Je puis me flatter qu'il m'aimerait s'il savait que je l'aimasse. Je sais bien néanmoins que l'on n'est pas aimé pour aimer, mais enfin c'est une espérance, et, quelque faible qu'elle soit, je ne veux pas me l'ôter, puisque c'est la seule qui me reste. Je dis encore tant d'autres raisons à Zayde pour lui faire voir que je ne devais pas découvrir mes sentiments à Alamir, qu'elle en demeura d'accord avec moi, et je trouvai beaucoup de soulagement à lui avoir ouvert mon coeur et à me plaindre avec elle.

Cependant la guerre continuait toujours et l'on voyait bien qu'il était impossible de la soutenir encore longtemps. Tout le plat pays était conquis, et Famagouste était la seule ville qui ne se fût pas rendue. Alamir s'exposait tous les jours avec une valeur où il paraissait du désespoir. Mulziman m'en parlait avec une affliction extrême. Il me fit voir si souvent combien il était surpris de l'attachement que ce prince avait pour Zayde que je ne pus m'empêcher de lui en demander la cause et de le presser de me dire si Alamir n'avait jamais été amoureux avant que d'avoir vu Zayde. Il eu quelque peine à m'avouer ce qui faisait son étonnement, mais je l'en conjurai si fortement qu'enfin il me conta les aventures de ce prince. Je ne vous en dirai pas tout le détail, parce qu'il