Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/104

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dire si vous en connaissez l’écriture. Madame la dauphine quitta madame de Clèves après ces paroles, et la laissa si étonnée, et dans un si grand saisissement, qu’elle fut quelque temps sans pouvoir sortir de sa place. L’impatience et le trouble où elle était ne lui permirent pas de demeurer chez la reine ; elle s’en alla chez elle, quoiqu’il ne fût pas l’heure où elle avait accoutumé de se retirer. Elle tenait cette lettre avec une main tremblante : ses pensées étaient si confuses qu’elle n’en avait aucune distincte ; et elle se trouvait dans une sorte de douleur insupportable, qu’elle ne connaissait point, et qu’elle n’avait jamais sentie. Sitôt qu’elle fut dans son cabinet, elle ouvrit cette lettre, et la trouva telle :


« Je vous ai trop aimé pour vous laisser croire que le changement qui vous paraît en moi soit un effet de ma légèreté : je veux vous apprendre que votre infidélité en est la cause. Vous êtes bien surpris que je vous parle de votre infidélité ; vous me l’aviez cachée avec tant d’adresse, et j’ai pris tant de soin de vous cacher que je la savais, que vous avez raison d’être étonné qu’elle me soit connue. Je suis surprise moi-même que j’aie pu ne vous en rien faire paraître. Jamais douleur n’a été pareille à la mienne : je croyais que vous aviez pour moi une passion violente ; je ne vous cachais plus celle que j’avais pour vous ; et, dans le temps que je vous la laissais voir toute entière, j’appris que vous me trompiez, que vous en aimiez une autre, et que, selon toutes les apparences, vous me sacrifiiez à cette nouvelle maîtresse. Je le sus le jour