Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/109

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de la tranquillité qui conduit au sommeil. Elle passa la nuit sans faire autre chose que s’affliger et relire la lettre qu’elle avait entre les mains.

Madame de Clèves n’était pas la seule personne dont cette lettre troublait le repos. Le vidame de Chartres, qui l’avait perdue, et non pas M. de Nemours, en était dans une extrême inquiétude. Il avait passé tout le soir chez M. de Guise, qui avait donné un grand souper au duc de Ferrare, son beau-frère, et à toute la jeunesse de la cour. Le hasard fit qu’en soupant on parla de jolies lettres. Le vidame de Chartres dit qu’il en avait une sur lui, plus jolie que toutes celles qui avaient jamais été écrites. On le pressa de la montrer : il s’en défendit. M. de Nemours lui soutint qu’il n’en avait point, et qu’il ne parlait que par vanité. Le vidame lui répondit qu’il poussait sa discrétion à bout ; que néanmoins il ne montrerait pas la lettre ; mais qu’il en lirait quelques endroits, qui feraient juger que peu d’hommes en recevaient de pareilles. En même temps, il voulut prendre cette lettre, et ne la trouva point : il la chercha inutilement ; on lui en fit la guerre ; mais il parut si inquiet, que l’on cessa de lui en parler. Il se retira plus tôt que les autres, et s’en alla chez lui avec impatience, pour voir s’il n’y avait point laissé la lettre qui lui manquait. Comme il la cherchait encore, un premier valet de chambre de la reine le vint trouver, pour lui dire que la vicomtesse d’Usez avait cru nécessaire de l’avertir en diligence que l’on avait dit chez la reine qu’il était tombé une lettre de galanterie de sa poche, pendant qu’il était au jeu de paume ; que l’on avait reconté