Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/137

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porta à se cacher : il entra dans le cabinet qui donnait sur le jardin de fleurs, dans la pensée d’en ressortir par une porte qui était ouverte sur la forêt ; mais, voyant que madame de Clèves et son mari s’étaient assis sous le pavillon, que leurs domestiques demeuraient dans le parc, et qu’ils ne pouvaient venir à lui sans passer dans le lieu où étaient monsieur et madame de Clèves, il ne put se refuser le plaisir de voir cette princesse, ni résister à la curiosité d’écouter sa conversation avec un mari qui lui donnait plus de jalousie qu’aucun de ses rivaux.

Il entendit que M. de Clèves disait à sa femme : Mais pourquoi ne voulez-vous point revenir à Paris ? Qui vous peut retenir à la campagne ? Vous avez depuis quelque temps un goût pour la solitude, qui m’étonne et qui m’afflige, parce qu’il nous sépare. Je vous trouve même plus triste que de coutume, et je crains que vous n’ayez quelque sujet d’affliction. Je n’ai rien de fâcheux dans l’esprit, répondit-elle, avec un air embarrassé ; mais le tumulte de la cour est si grand, et il y a toujours un si grand monde chez vous, qu’il est impossible que le corps et l’esprit ne se lassent, et que l’on ne cherche du repos. Le repos, répliqua-t-il, n’est guère propre pour une personne de votre âge. Vous êtes, chez vous et dans la cour, d’une sorte à ne vous pas donner de lassitude, et je craindrais plutôt que vous ne fussiez bien aise d’être séparée de moi. Vous me feriez une grande injustice d’avoir cette pensée, reprit-elle avec un embarras qui augmentait toujours ; mais je vous supplie de me laisser ici. Si vous y pouviez demeurer j’en aurais beaucoup de joie,