Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/142

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vos sentiments ; vous aimez, on le sait ; votre vertu vous a, jusqu’ici, garantie du reste. Est-il possible, s’écria cette princesse, que vous puissiez penser qu’il y ait quelque déguisement dans un aveu comme le mien, qu’aucune raison ne m’obligeait à vous faire ! Fiez-vous à mes paroles : c’est par un assez grand prix que j’achète la confiance que je vous demande. Croyez, je vous en conjure, que je n’ai point donné mon portrait : il est vrai que je le vis prendre, mais je ne voulus pas faire paraître que je le voyais, de peur de m’exposer à me faire dire des choses que l’on ne m’a encore osé dire. Par où vous a-t-on donc fait voir qu’on vous aimait, reprit M. de Clèves, et quelles marques de passion vous a-t-on données ? Épargnez-moi la peine, répliqua-t-elle, de vous redire des détails qui me font honte à moi-même de les avoir remarqués, et qui ne m’ont que trop persuadée de ma faiblesse. Vous avez raison, madame, reprit-il, je suis injuste ; refusez-moi toutes les fois que je vous demanderai de pareilles choses ; mais ne vous offensez pourtant pas si je vous les demande.

Dans ce moment, plusieurs de leurs gens, qui étaient demeurés dans les allées, vinrent avertir M. de Clèves, qu’un gentilhomme venait le chercher de la part du roi, pour lui ordonner de se trouver le soir à Paris. M. de Clèves fut contraint de s’en aller, et il ne put rien dire à sa femme, sinon qu’il la suppliait de venir le lendemain, et qu’il la conjurait de croire que, quoiqu’il fût affligé, il avait pour elle une tendresse et une estime dont elle devait être satisfaite.

Lorsque ce prince fut parti, que madame de Clèves