Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/180

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comment j’ai pu vivre depuis que vous me parlâtes à Coulommiers, et depuis le jour que vous apprîtes de madame la dauphine que l’on savait votre aventure. Je ne saurais démêler par où elle a été sue, ni ce qui se passa entre M. de Nemours et vous sur ce sujet : vous ne me l’expliquerez jamais, et je ne vous demande point de me l’expliquer : je vous demande seulement de vous souvenir que vous m’avez rendu le plus malheureux homme du monde.

M. de Clèves sortit de chez sa femme après ces paroles, et partit le lendemain sans la voir ; mais il lui écrivit une lettre pleine d’affliction, d’honnêteté et de douceur. Elle y fit une réponse si touchante et si remplie d’assurances de sa conduite passée, et de celle qu’elle aurait à l’avenir, que, comme ses assurances étaient fondées sur la vérité, et que c’était en effet ses sentiments, cette lettre fit de l’impression sur M. de Clèves, et lui donna quelque calme ; joint que M. de Nemours allant trouver le roi, aussi-bien que lui, il avait le repos de savoir qu’il ne serait pas au même lieu que madame de Clèves. Toutes les fois que cette princesse parlait à son mari, la passion qu’il lui témoignait, l’honnêteté de son procédé, l’amitié qu’elle avait pour lui, et ce qu’elle lui devait, faisaient des impressions dans son cœur qui affaiblissaient l’idée de M. de Nemours ; mais ce n’était que pour quelque temps ; et cette idée revenait bientôt plus vive et plus présente qu’auparavant.

Les premiers jours du départ de ce prince, elle ne sentit quasi pas son absence ; ensuite elle lui parut cruelle : depuis qu’elle l’aimait, il ne s’était point passé