Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/192

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Nemours, que j’y ai été sans vos ordres, et j’y ai passé les plus doux et les plus cruels moments de ma vie.

Madame de Clèves entendait trop bien tout ce que disait ce prince ; mais elle n’y répondit point : elle songea à empêcher madame de Mercœur d’aller dans ce cabinet, parce que le portrait de M. de Nemours y était, et qu’elle ne voulait pas qu’elle l’y vît. Elle fit si bien que le temps se passa insensiblement, et madame de Mercœur parla de s’en retourner ; mais quand madame de Clèves vit que M. de Nemours et sa sœur ne s’en allaient pas ensemble, elle jugea bien à quoi elle allait être exposée : elle se trouva dans le même embarras où elle s’était trouvée à Paris, et elle prit aussi le même parti. La crainte que cette visite ne fût encore une confirmation des soupçons qu’avait son mari ne contribua pas peu à la déterminer ; et, pour éviter que M. de Nemours ne demeurât seul avec elle, elle dit à madame de Mercœur qu’elle l’allait conduire jusques au bord de la forêt, et elle ordonna que son carrosse la suivît. La douleur qu’eut ce prince de trouver toujours cette même continuation des rigueurs en madame de Clèves fut si violente qu’il en pâlit dans le même moment. Madame de Mercœur lui demanda s’il se trouvait mal ; mais il regarda madame de Clèves, sans que personne s’en aperçût, et il lui fit juger, par ses regards, qu’il n’avait d’autre mal que son désespoir. Cependant il fallut qu’il les laissât partir sans oser les suivre ; et, après ce qu’il avait dit, il ne pouvait plus retourner avec sa sœur : ainsi, il revint à Paris, et en partit le lendemain.

Le gentilhomme de M. de Clèves l’avait toujours