Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/193

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observé : il revint aussi à Paris ; et, comme il vit M. de Nemours parti pour Chambort, il prit la poste, afin d’y arriver devant lui, et de rendre compte de son voyage. Son maître attendait son retour comme ce qui allait décider du malheur de toute sa vie.

Sitôt qu’il le vit, il jugea, par son visage et par son silence, qu’il n’avait que des choses fâcheuses à lui apprendre. Il demeura quelque temps saisi d’affliction, la tête baissée sans pouvoir parler ; enfin, il lui fit signe de la main de se retirer. Allez, lui dit-il, je vois ce que vous avez à me dire ; mais je n’ai pas la force de l’écouter. Je n’ai rien à vous apprendre, lui répondit le gentilhomme, sur quoi on puisse faire de jugement assuré : il est vrai que M. de Nemours a entré deux nuits de suite dans le jardin de la forêt, et qu’il a été le jour d’après à Coulommiers, avec madame de Mercœur. C’est assez, répliqua M. de Clèves, c’est assez, en lui faisant encore signe de se retirer, et je n’ai pas besoin d’un plus grand éclaircissement. Le gentilhomme fut contraint de laisser son maître abandonné à son désespoir. Il n’y en a peut-être jamais eu un plus violent, et peu d’hommes d’un aussi grand courage et d’un cœur aussi passionné que M. de Clèves ont ressenti en même temps la douleur que cause l’infidélité d’une maîtresse, et la honte d’être trompé par une femme.

M. de Clèves ne put résister à l’accablement où il se trouva. La fièvre lui prit dès la nuit même, et avec de si grands accidents, que dès ce moment sa maladie parut très-dangereuse : on en donna avis à madame de Clèves ; elle vint en diligence. Quand elle arriva, il était encore plus mal, elle lui trouva quelque chose