Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/200

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difficiles qu’ils pussent être, de sortir d’un état qui lui paraissait si insupportable.

La douleur de cette princesse passait les bornes de la raison. Ce mari mourant, et mourant à cause d’elle et avec tant de tendresse pour elle, ne lui sortait point de l’esprit. Elle repassait incessamment tout ce qu’elle lui devait ; et elle se faisait un crime de n’avoir pas eu de la passion pour lui, comme si c’eût été une chose qui eût été en son pouvoir. Elle ne trouvait de consolation qu’à penser qu’elle le regrettait autant qu’il méritait d’être regretté, et qu’elle ne ferait, dans le reste de sa vie, que ce qu’il aurait été bien aise qu’elle eût fait, s’il avait vécu.

Elle avait pensé plusieurs fois comment il avait su que M. de Nemours était venu à Coulommiers : elle ne soupçonnait pas ce prince de l’avoir conté, et il lui paraissait même indifférent qu’il l’eût redit, tant elle se croyait guérie et éloignée de la passion qu’elle avait eue pour lui. Elle sentait néanmoins une douleur vive de s’imaginer qu’il était cause de la mort de son mari, et elle se souvenait avec peine de la crainte que M. de Clèves lui avait témoignée en mourant qu’elle ne l’épousât ; mais toutes ces douleurs se confondaient dans celle de la perte de son mari, et elle croyait n’en avoir point d’autre.

Après que plusieurs mois furent passés, elle sortit de cette violente affliction où elle était, et passa dans un état de tristesse et de langueur. Madame de Martigues fit un voyage à Paris, et la vit avec soin pendant le séjour qu’elle y fit. Elle l’entretint de la cour et de tout ce qui s’y passait ; et, quoique madame de