Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/202

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Madame de Clèves écoutait ce discours avec une grande attention : ce que lui avait dit madame de Martigues, que M. de Nemours était quelquefois à Paris, se joignit, dans son imagination, à cet homme bien fait qui venait proche de chez elle, et lui fit une idée de M. de Nemours, et de M. de Nemours appliqué à la voir, qui lui donna un trouble confus dont elle ne savait pas même la cause. Elle alla vers les fenêtres pour voir où elles donnaient : elle trouva qu’elles voyaient tout son jardin et la face de son appartement ; et, lorsqu’elle fut dans sa chambre, elle remarqua aisément cette même fenêtre où l’on lui avait dit que venait cet homme. La pensée que c’était M. de Nemours changea entièrement la situation de son esprit ; elle ne se trouva plus dans un certain triste repos qu’elle commençait à goûter ; elle se sentit inquiète et agitée ; enfin, ne pouvant demeurer avec elle-même, elle sortit, et alla prendre l’air dans un jardin hors des faubourgs, où elle pensait être seule. Elle crut, en y arrivant, qu’elle ne s’était pas trompée : elle ne vit aucune apparence qu’il y eût quelqu’un, et elle se promena assez longtemps.

Après avoir traversé un petit bois, elle aperçut au bout d’une allée, dans l’endroit le plus reculé du jardin, une manière de cabinet ouvert de tous côtés, où elle adressa ses pas. Comme elle en fut proche, elle vit un homme couché sur des bancs, qui paraissait enseveli dans une rêverie profonde, et elle reconnut que c’était M. de Nemours. Cette vue l’arrêta tout court ; mais ses gens, qui la suivaient, firent quelque bruit, qui tira M. de Nemours de sa rêverie. Sans