Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/206

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avait souvent pensé, depuis que madame de Clèves était veuve, qu’elle était la seule personne digne de lui. M. de Nemours le pria de lui donner les moyens de lui parler, et de savoir quelles étaient ses dispositions.

Le vidame lui proposa de le mener chez elle ; mais M. de Nemours crut qu’elle en serait choquée, parce qu’elle ne voyait encore personne. Ils trouvèrent qu’il fallait que M. le vidame la priât de venir chez lui, sur quelque prétexte, et que M. de Nemours y vînt par un escalier dérobé, afin de n’être vu de personne. Cela s’exécuta comme ils l’avaient résolu : madame de Clèves vint ; le vidame l’alla recevoir, et la conduisit dans un grand cabinet, au bout de son appartement ; quelque temps après M. de Nemours entra comme si le hasard l’eût conduit. Madame de Clèves fut extrêmement surprise de le voir : elle rougit, et essaya de cacher sa rougeur. Le vidame parla d’abord de choses différentes, et sortit, supposant qu’il avait quelque ordre à donner. Il dit à madame de Clèves qu’il la priait de faire les honneurs de chez lui, et qu’il allait rentrer dans un moment.

L’on ne peut exprimer ce que sentirent M. de Nemours et madame de Clèves, de se trouver seuls et en état de se parler pour la première fois. Ils demeurèrent quelque temps sans rien dire ; enfin, M. de Nemours rompant le silence : Pardonnerez-vous à M. de Chartres, madame, lui dit-il, de m’avoir donné l’occasion de vous voir, et de vous entretenir, que vous m’avez toujours si cruellement ôtée ? Je ne lui dois pas pardonner, répondit-elle, d’avoir oublié l’état où je suis et à quoi il expose ma réputation. En prononçant ces