Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/229

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ce qu’elle l’avait jamais vu. Chevalier, où allez-vous, s’écria-t-elle ? que cherchez-vous ? avez-vous perdu la raison ? qu’est devenu votre mariage, et songez-vous à ma réputation ? Soyez en repos de votre réputation, madame, lui répondit-il ; personne ne le peut savoir ; il n’est pas question de mon mariage ; il ne s’agit plus de ma fortune ; il ne s’agit que de votre cœur, madame, et d’être aimé de vous : je renonce à tout le reste. Vous m’avez laissé voir que vous ne me haïssez pas ; mais vous m’avez voulu cacher que je suis assez heureux pour que mon mariage vous fasse de la peine : je viens vous dire, madame, que j’y renonce ; que ce mariage me serait un supplice, et que je ne veux vivre que pour vous. On m’attend à l’heure que je vous parle, tout est prêt ; mais je vais tout rompre, si, en le rompant, je fais une chose qui vous soit agréable, et qui vous prouve ma passion.

La comtesse se laissa tomber sur un lit de repos, dont elle s’était relevée à demi, et regardant le chevalier avec des yeux pleins d’amour et de larmes : Vous voulez donc que je meure, lui dit-elle ? Croyez-vous qu’un cœur puisse contenir tout ce que vous me faites sentir ? Quitter, à cause de moi, la fortune qui vous attend ! je n’en puis seulement supporter la pensée. Allez à madame la princesse de Neufchâtel, allez à la grandeur qui vous est destinée ; vous aurez mon cœur en même-temps. Je ferai de mes remords, de mes incertitudes, et de ma jalousie, puisqu’il faut vous l’avouer, tout ce que ma faible raison me conseillera ; mais je ne vous verrai jamais, si vous n’allez tout-à-l’heure signer votre mariage. Allez, ne demeurez pas un