Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/271

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un gentilhomme du duc de Guise, et il les lui apporta à l’heure même, pour ne lui retarder pas sa joie d’un moment. Celle qu’elle eut de les recevoir fut extrême. Elle ne prit pas le soin de la cacher, et lui fit avaler à longs traits tout le poison imaginable, en lui lisant ces lettres et la réponse tendre et galante qu’elle y faisait. Il porta cette réponse au gentilhomme, avec la même fidélité avec laquelle il avait rendu la lettre à la princesse, mais avec plus de douleur. Il se consola pourtant un peu, dans la pensée que cette princesse ferait quelque réflexion sur ce qu’il faisait pour elle, et qu’elle lui en témoignerait de la reconnaissance. La trouvant de jour en jour plus rude pour lui, par le chagrin qu’elle avait d’ailleurs, il prit la liberté de la supplier de penser un peu à ce qu’elle lui faisait souffrir. La princesse, qui n’avait dans la tête que le duc de Guise, et qui ne trouvait que lui seul digne de l’adorer, trouva si mauvais qu’un autre que lui osât penser à elle, qu’elle maltraita bien plus le comte de Chabanes en cette occasion, qu’elle n’avait fait la première fois qu’il lui avait parlé de son amour. Quoique sa passion, aussi bien que sa patience, fût extrême, et à toute épreuve, il quitta la princesse et s’en alla chez un de ses amis dans le voisinage de Champigni, d’où il lui écrivit avec toute la rage que pouvait lui causer un si étrange procédé, mais néanmoins avec tout le respect qui était dû à sa qualité ; et, par sa lettre, il lui disait un éternel adieu. La princesse commença à se repentir d’avoir si peu ménagé un homme sur qui elle avait tant de pouvoir ; et, ne pouvant se résoudre à le perdre, non-seulement à cause de l’amitié