Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/38

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l’inclination qu’il avait eue pour elle avant que de la connaître, et à la passion qu’il lui avait témoignée, en la préférant à tous les autres partis, dans un temps où personne n’osait plus penser à elle.

Ce mariage s’acheva : la cérémonie s’en fit au Louvre ; et le soir le roi et les reines vinrent souper chez madame de Chartres avec toute la cour, où ils furent reçus avec une magnificence admirable. Le chevalier de Guise n’osa se distinguer des autres, et ne pas assister à cette cérémonie ; mais il y fut si peu maître de sa tristesse, qu’il était aisé de la remarquer.

M. de Clèves ne trouva pas que mademoiselle de Chartres eût changé de sentiment en changeant de nom. La qualité de mari lui donna de plus grands priviléges ; mais elle ne lui donna pas une autre place dans le cœur de sa femme. Cela fit aussi que, pour être son mari, il ne laissa pas d’être son amant, parce qu’il avait toujours quelque chose à souhaiter au-delà de sa possession ; et, quoiqu’elle vécût parfaitement bien avec lui, il n’était pas entièrement heureux. Il conservait pour elle une passion violente et inquiète qui troublait sa joie : la jalousie n’avait point de part à ce trouble ; jamais mari n’a été si loin d’en prendre, et jamais femme n’a été si loin d’en donner. Elle était néanmoins exposée au milieu de la cour : elle allait tous les jours chez les reines et chez Madame. Tout ce qu’il y avait d’hommes jeunes et galants la voyaient chez elle et chez le duc de Nevers, son beau-frère, dont la maison était ouverte à tout le monde ; mais elle avait un air qui inspirait un si grand respect, et qui paraissait si éloigné de la galanterie, que le maréchal de Saint-