Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/54

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leur beauté, elles en ont une joie dont leur amant ne fait pas la plus grande partie. Il dit aussi que, quand on n’est point aimé, on souffre encore davantage de voir sa maîtresse dans une assemblée ; que plus elle est admirée du public, plus on se trouve malheureux de n’en être point aimé ; que l’on craint toujours que sa beauté ne fasse naître quelque amour plus heureux que le sien : enfin il trouve qu’il n’y a point de souffrance pareille à celle de voir sa maîtresse au bal, si ce n’est de savoir qu’elle y est, et de n’y être pas.

Madame de Clèves ne faisait pas semblant d’entendre ce que disait le prince de Condé, mais elle l’écoutait avec attention. Elle jugeait aisément quelle part elle avait à l’opinion que soutenait M. de Nemours, et sur-tout à ce qu’il disait du chagrin de n’être pas au bal où était sa maîtresse, parce qu’il ne devait pas être à celui du maréchal de Saint-André, et que le roi l’envoyait au-devant du duc de Ferrare.

La reine dauphine riait avec le prince de Condé, et n’approuvait pas l’opinion de M. de Nemours. Il n’y a qu’une occasion, madame, lui dit ce prince, où M. de Nemours consente que sa maîtresse aille au bal, qu’alors que c’est lui qui le donne ; et il dit que l’année passée qu’il en donna un à votre majesté, il trouva que sa maîtresse lui faisait une faveur d’y venir, quoiqu’elle ne semblât que vous y suivre ; que c’est toujours faire une grâce à un amant, que d’aller prendre sa part à un plaisir qu’il donne : que c’est aussi une chose agréable pour l’amant, que sa maîtresse le voie le maître d’un lieu où est toute la cour, et qu’elle le voie se bien acquitter d’en faire les hon-