Page:La Fayette, Tencin, Fontaines - Œuvres complètes, Lepetit, 1820, tome 2.djvu/62

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de vous quitter. Vous avez de l’inclination pour M. de Nemours : je ne vous demande point de me l’avouer ; je ne suis plus en état de me servir de votre sincérité pour vous conduire. Il y a déjà long-temps que je me suis aperçue de cette inclination ; mais je ne vous en ai pas voulu parler d’abord, de peur de vous en faire apercevoir vous-même. Vous ne la connaissez que trop présentement : vous êtes sur le bord du précipice ; il faut de grands efforts et de grandes violences pour vous retenir. Songez ce que vous devez à votre mari, songez ce que vous vous devez à vous-même, et pensez que vous allez perdre cette réputation que vous vous êtes acquise, et que je vous ai tant souhaitée. Ayez de la force et du courage, ma fille ; retirez-vous de la cour, obligez votre mari de vous emmener, ne craignez point de prendre des partis trop rudes et trop difficiles ; quelque affreux qu’ils vous paraissent d’abord, ils seront plus doux dans les suites que les malheurs d’une galanterie. Si d’autres raisons que celles de la vertu et de votre devoir vous pouvaient obliger à ce que je souhaite, je vous dirais que, si quelque chose était capable de troubler le bonheur que j’espère en sortant de ce monde, ce serait de vous voir tomber comme les autres femmes : mais, si ce malheur vous doit arriver, je reçois la mort avec joie, pour n’en être pas le témoin.

Madame de Clèves fondait en larmes sur la main de sa mère, qu’elle tenait serrée entre les siennes ; et madame de Chartres se sentant touchée elle-même : Adieu, ma fille, lui dit-elle, finissons une conversation qui nous attendrit trop l’une et l’autre, et souvenez-