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DEUXIESME PARTIE.

C’estoit une puissante amorce.
Elle resistoit à regret :
Le Printemps par mal-heur estoit lors en sa force.
Jeunes cœurs sont bien empêchez
A tenir leurs desirs cachez,
Estant pris par tant de manieres.
Combien en voyons-nous se laisser pas à pas
Ravir jusqu’aux faveurs dernieres,
Qui dans l’abord ne croyoient pas
Pouvoir accorder les premieres ?
Amour, sans qu’on y pense, amene ces instans :
Mainte fille a perdu ses gans,
Et femme au partir s’est trouvée,
Qui ne sçait la plus part du temps
Comme la chose est arrivée.
 
Prés de l’antre venus, nostre Amant proposa
D’entrer dedans ; la Belle s’excusa,
Mais malgré soy déja presque vaincuë.
Les services d’Hispal en ce mesme moment
Luy reviennent devant la veuë.
Ses jours sauvez des flots, son honneur d’un geant :
Que luy demandoit son Amant ?
Un bien dont elle estoit à sa valeur tenuë.
Il vaut mieux, disoit-il, vous en faire un amy,
Que d’attendre qu’un homme à la mine hagarde
Vous le vienne enlever ; Madame, songez-y ;
L’on ne sçait pour qui l’on le garde.
L’Infante à ces raisons se rendant à demi,
Une pluye acheva l’affaire :
Il falut se mettre à l’abri :
Je laisse à penser où. Le reste du mystere
Au fond de l’antre est demeuré.
Que l’on la blasme ou non, je sçais plus d’une Belle
A qui ce fait est arrivé,
Sans en avoir moitié d’autant d’excuses qu’elle.
L’antre ne tes vit seul de ces douceurs joüir :