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CONTES ET NOUVELLES.

Fit dans l’abord force larmes couler.
Mais, comme il n’est peine d’ame si forte
Qu’il ne s’en faille à la fin consoler,
Deux Medecins la traiterent de sorte
Que sa douleur eut un terme assez court ;
L’un fut le Temps, et l’autre fut l’Amour.
On épousa Federic en grand’pompe,
Non seulement par obligation,
Mais, qui plus est, par inclination,
Par amour mesme. Il ne faut qu’on se trompe
À cet exemple, et qu’un pareil espoir
Nous fasse ainsi consumer nostre avoir :
Femmes ne sont toutes reconnoissantes.
À cela prés, ce sont choses charmantes.
Sous le Ciel n’est un plus bel animal.
Je n’y comprens le sexe en general.
Loin de cela, j’en vois peu d’avenantes.
Pour celles-cy, quand elles sont aymantes[1],
J’ay les desseins du monde les meilleurs :
Les autres n’ont qu’à se pourvoir ailleurs.



VI. — LA COURTISANNE AMOUREUSE.


Le jeune Amour, bien qu’il ait la façon
D’un Dieu qui n’est encor qu’à sa leçon,
Fut de tout temps grand faiseur de miracles.
En gens coquets il change les Catons ;
Par luy les sots deviennent des oracles ;
Par luy les loups deviennent des moutons :
Il fait si bien que l’on n’est plus le mesme.
Témoin Hercule, et témoin Polyphême,

  1. L’édition de 1671 porte charmantes, mais dans presque tous les exemplaires que j’ai vus la syllabe char a été effacée, et l’on a écrit au dessus : ay. Cette correction paroît être toujours de la même main, et a probablement été faite par La Fontaine.