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CONTES ET NOUVELLES.

Et vostre Epoux, et ne sçais nulle Dame,
De quelque rang et beauté que ce soit,
Qui vous valust pour maistresse et pour femme ;
Car le passé rappeler ne se doit
Entre nous deux. Une chose ay-je à dire :
C’est qu’en secret il nous faut marier.
Il n’est besoin de vous specifier
Pour quel sujet : cela vous doit suffire.
Mesme il est mieux de cette façon là.
Un tel Himen a des Amours ressemble ;
On est Epoux et Galand tout ensemble.
L’histoire dit que le drosle ajoûta :
Voulez-vous pas, en attendant le Prestre,
A vostre Amant vous fier aujourd’huy ?
Vous le pouvez, je vous réponds de luy ;
Son cœur n’est pas d’un perfide et d’un traître.
A tout cela Constanse ne dit rien.
C’estoit tout dire : il le reconnut bien,
N’estant Novice en semblables affaires.
Quand au surplus, ce sont de tels mysteres,
Qu’il n’est besoin d’en faire le recit.
Voila comment Constanse réussit.
Or, faites-en, Nymphes, vostre profit.
Amour en a dans son Academie,
Si l’on vouloit venir à l’examen,
Que j’aimerois pour un pareil Himen
Mieux que mainte autre à qui l’on se marie.
Femme qui n’a filé route sa vie
Tasche à passer bien des choses sans bruit.
Témoin Constanse et tout ce qui s’ensuit,
Noviciat d’épreuves un peu dures :
Elle en receut abondamment le fruit :
Nonnes, je sçais qui voudroient, chaque nuit,
En faire un tel, à toutes avantures.
Ce que possible on ne croira pas vray,
C’est que Camille en caressant la Belle,
Des dons d’Amour luy fit gouster l’essay.
L’essay ? je faux : Constanse en estoit-elle