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CONTES ET NOUVELLES.

Annette la contemplative
Regarda de son mieux. Quelqu’un n’a-t-il point veu
Comme on dessigne sur nature ?
On vous campe une creature,
Une Eve, ou quelque Adam, j’entends un objet nu ;
Puis force gens, assis comme nostre bergere,
Font un crayon conforme à cét original.
Au fond de sa memoire Anne en sceut fort bien faire
Un qui ne ressembloit pas mal.
Elle y seroit encor si Guillot (c’est le sire)
Ne fust sorti de l’eau. La belle se retire
A propos ; l’ennemi n’estoit plus qu’à vingt pas,
Plus fort qu’à l’ordinaire, et c’eust esté grand cas
Qu’aprés de semblables idées
Amour en fust demeuré là :
Il contoit pour siennes déja
Les faveurs qu’Anne avoit gardées.
Qui ne s’y fust trompé ? Plus je songe à cela,
Moins je le puis comprendre. Anne la scrupuleuse
N’osa, quoy qu’il en soit, le garçon régaler ;
Ne laissant pas pourtant de récapituler
Les poincts qui la rendoient encor route honteuse.
Pasques vint, et ce fut un nouvel embarras.
Anne faisant passer ses pechez en reveüe,
Comme un passevolant mit en un coin ce cas ;
Mais la chose fut apperceüe.
Le Curé messire Thomas
Sceut relever le fait ; et comme l’on peut croire
En Confesseur exact il fit conter l’histoire,
Et circonstancier le tout fort amplement,
Pour en connoistre l’importance,
Puis faire aucunement quadrer la penitence,
Chose où ne doit errer un Confesseur prudent.
Celuy-cy malmena la belle.
Estre dans ses regards, à tel poinct sensuelle !
C’est, dit-il, un trés-grand peché.
Autant vaut l’avoir veu que de l’avoir touché
Cependant la peine imposée