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CONTES ET NOUVELLES.

Toute ta vie ! Et puis vien-t’en me braire,
Vien me conter ta faim et ta douleur !
Voyez un peu, Monsieur nostre Pasteur
Veut de sa grace à ce traisne-malheur
Monstrer dequoy finir nostre misere :
Merite-t-il le bien qu’on luy veut faire ?
Messire Jean, laissons là cet oyson :
Tous les matins, tandis que ce veau lie
Ses choux, ses aulx, ses herbes, son oignon,
Sans l’avertir venez à la maison ;
Vous me rendrez une Jument polie.
Pierre reprit : Plus de Jument, mamie ;
Je suis contant de n’avoir qu’un grison.



XI. — PASTÉ D’ANGUILLE.


Mesme beauté, tant soit exquise,
Rassasie et soûle à la fin.
Il me faut d’un et d’autre pain :
Diversité, c’est ma devise.
Cette maîtresse un tantet bize
Rit à mes yeux ; pourquoy cela ?
C’est qu’elle est neuve ; et celle-la
Qui depuis longtemps m’est acquise,
Blanche qu’elle est, en nulle guise
Ne me cause d’émotion.
Son cœur dit ouy ; le mien dit non.
D’où vient ? en voicy la raison :
Diversité, c’est ma devise.
Je l’ay ja dit d’autre façon[1] ;
Car il est bon que l’on desguise ;

  1. Dans les Trocqueurs, p. 244 :
    Le Changement de Mets réjouit l’homme.