Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
293
QUATRIESME PARTIE.

Vous ayez bien changé de goût.
Qu’ay-je fait qui fust plus étrange ?
Vous me blâmez lors que je change
Un mets que vous croyez friand,
Et vous en faites tout autant !
Mon doux Amy, je vous aprend
Que ce n’est pas une sottise,
En fait de certains apetits,
De changer son pain blanc en bis :
Diversité, c’est ma Devise.
Quand le Maistre eut ainsi parlé,
Le Valet fut tout consolé.
Non que ce dernier n’eust à dire
Quelque chose encor là dessus :
Car, aprés tout, doit-il suffire
D’alléguer son plaisir sans plus ?
J’ayme le change. A la bonne heure !
On vous l’accorde ; mais gagnez,
S’il se peut, les interessez ;
Cette voye est bien la meilleure :
Suivez-la donc. A dire vray,
Je crois que l’Amateur du change
De ce Conseil tenta l’essay.
On dit qu’il parloit comme un Ange,
De mots dorez usant toûjours.
Mots dorez font tout en Amours,
C’est une maxime constante.
Chacun sçait quelle est mon entente :
J’ai rebattu cent et cent fois
Cecy dans cent et cent endroits[1] :

  1. Nous sommes beaux ; nous avons de l’esprit ;
    Avec cela bonnes lettres de change ;
    Il faudroit estre bien estrange
    Pour resister à tant d’appas.
    (Ci-dessus, page 17.)
    Pour tout carquois, d’une large escarcelle