Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 2.djvu/354

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
346
CONTES ET NOUVELLES.

De chaque hymen en journaux differens :
L’un, des époux satisfaits et contens,
Si peu remply que le Diable en eut honte :
L’autre journal incontinent fut plein.
A Belphegor il ne restoit enfin
Que d’éprouver la chose par luy-même.
Certaine fille à Florence étoit lors,
Belle, et bien faite, et peu d’autres tresors ;
Noble d’ailleurs, mais d’un orgueil extrême ;
Et d’autant plus que de quelque vertu
Un tel orgueil paroissoit revétu.
Pour Roderic on en fit la demande.
Le Pere dit que Madame Honnesta,
C’étoit son nom, avoit eu jusques-là
Force partis ; mais que parmy la bande
Il pourroit bien Roderic preferer,
Et demandoit tems pour délibérer.
On en convient. Le poursuivant s’applique
A gagner celle où ses vœux s’adressoient.
Fêtes et bals, serenades, Musique,
Cadeaux, festins, fort bien appetissoient,
Alteroient fort le fonds de l’ambassade.
Il n’y plaint rien, en use en grand Seigneur,
S’épuise en dons. L’autre se persuade
Qu’elle luy fait encor beaucoup d’honneur.
Conclusion, qu’aprés force prieres,
Et des façons de toutes les manieres,
Il eut un oüi de Madame Honnesta.
Auparavant le Notaire y passa,
Dont Belphegor se mocquant en son ame :
Hé quoy ! dit-il, on acquiert une femme
Comme un Château ! ces gens ont tout gâté.
Il eut raison : ôtez d’entre les hommes
La simple foy, le meilleur est ôté.
Nous nous jettons, pauvres gens que nous sommes,
Dans les procés, en prenant le revers ;
Les si, les cas, les Contrats, sont la porte
Par où la noise entra dans l’Univers ;