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A D O N I S .

Mais les Nymphes ont beau s’opposer aux destins :
Contre un ordre fatal tous leurs charmes sont vains.
Adonis en ce lieu void apporter Palmire ;
Ce spectacle l’emeut, et redouble son ire[1].
A tarder plus long-temps on ne peut l’obliger :
Il regarde la gloire, et non pas le danger.
Il part, se fait guider, rencontre le carnage.
Cependant le Sanglier s’estoit fait un passage ;
Et, courant vers son fort, il se lançoit par fois
Aux chiens, qui dans le Ciel poussoient de vains abois.
On ne l’ose approcher ; tous les traits qu’on luy lance,
Estant poussez de loin, perdent leur violence.
Le Heros seul s’avance, et craint peu son courroux :
Mais Capis l’arrestant s’écrie : Où courez-vous ?
Quelle boüillante ardeur au peril vous engage ?
Il est besoin de ruse, et non pas de courage.
N’avancez pas, fuyez ; il vient à vous, ô Dieux !
Adonis, sans répondre, au Ciel leve les yeux.
Déesse, ce dit-il, qu’adore ma pensée,
Si je cours au peril, n’en sois point offensée ;
Guide plûtost mon bras, redouble son effort ;
Fais que ce trait lancé donne au Monstre la mort.
A ces mots dans les airs le trait se fait entendre :
A l’endroit où le Monstre a la peau la plus tendre
Il en reçoit le coup, se sent ouvrir les flancs,
De rage et de douleur fremit, grince les dents,
Rappelle sa fureur, et court à la vengeance.
Plein d’ardeur et leger, Adonis le devance.
On craint pour le Heros ; mais il sçait éviter
Les coups qu’à cet abord la dent luy veut porter.
Tout ce que peut l’adresse estant jointe au courage,
Ce que pour se venger tente l’aveugle rage,

  1. Manuscrit de 16?58 :
    Adonis en ce lieu voit Palmire qu’on porte ;
    Sa colere en devient plus ardante et plus forte.