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Livre premier. 87


Le Myrte, par qui sont les Amans couronnez,
Y range son feüillage en Globe, en Pyramide ;
Tel jadis le tailloient les Ministres d’Armide.
Au haut de chaque rampe, un Sphinx aux larges flancs
Se laisse entortiller de fleurs par des enfans.
Il se jouë avec eux, leur rit à sa maniere,
Et ne se souvient plus de son humeur si fiere.
Au bas de ce degré, Latone et ses gemeaux
De gens durs et grossiers font de vils animaux,
Les changent avec l’eau que sur eux ils répandent.
Déja les doigts de l’un en nageoires s’étendent ;
L’autre en le regardant est metamorphosé ;
De l’inrecte et de l’homme un autre est composé ;
Son épouse le plaint d’une voix de grenoüille,
Le corps est femme encor. Tel luy mesme se moüille,
Se lave, et plus il croit effacer tous ces traits,
Plus l’onde contribüe à les rendre parfaits.
La Scene est un bassin d’une vaste étenduë[1].
Sur les bords, cette engeance, insecte devenüe,
Tasche de lancer l’eau contre les deïtez.
À l’entour de ce lieu, pour comble de beautez,
Une troupe immobile et sans pieds se repose,
Nymphes, Heros, et Dieux de la metamorphose,
Termes, de qui le sort sembleroit ennuyeux
S’ils n’estoient enchantez par l’aspect de ces lieux.
Deux parterres ensuite entretiennent la venuë.
Tous deux ont leurs fleurons d’herbe tendre et menuë,
Tous deux ont un bassin qui lance ses tresors,
Dans le centre en aigrette, en arcs le long des bords.
L’onde sort du gosier de differens reptiles.
Là siflent les lezards, germains des crocodiles ;
Et là mainte tortuë, apportant sa maison,
Allonge en vain le col pour sortir de prison.
Enfin, par une allée aussi large que belle,
On descend vers deux mers d’une forme nouvelle.
L’une est un rond à pans[2], l’autre est un long canal,

  1. Le bassin de Latone.
  2. Le bassin d’Apollon.