Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/201

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LEUCIPPE.

Quoi ! Je vous vois ! C’est vous ! C’est ma princesse ! Hélas !

J’avais perdu l’espoir d’une faveur si douce.

Craignez-vous d’approcher ? [790]

DAPHNE.

Je sens qu’on me repousse :

Quelque charme arrête mes pas.

Mais, si c’est adoucir vos peines

Qu’y prendre part, souffrir ces gênes,

Gémir avec vous sous ces chitines, [795]

Vous aimer malgré tous, malgré Cieux, malgré Sort,

Votre princesse en est capable.

LEUCIPPE.

Apollon, Apollon, tu fais un vain effort !

Je ne suis plus le misérable.

DAPHNE.

Hélas ! J’irrite un dieu jaloux et redoutable. [800]

À qui dois-je adresser ma voix ?

Je n’ose t’invoquer, déesse de nos bois.

Dans ta Cour, dans ton cœur, autrefois j’avais place ;

L’amour m’en a bannie ; écoute toutefois :

Je ne demande point pour grâce [805]

Que tu souffres mes feux, et qu’un hymen charmant

Engage à d’autres dieux celle qui t’a servie ;

Délivre seulement

Mon amant,

Et prends le reste de ma vie. [810]