Page:La Fontaine - Œuvres complètes - Tome 4.djvu/88

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Chremès

Je ne veux point priser un party qui me touche,
Ses loüanges, Damis, siéroient mal en ma bouche ;
Mais enfin l’alliance est assez à souffrir ;
En un mot, c’est ma sœur que je vous viens offrir.

Damis

Vostre sœur ! vous révez : où l’auriez-vous trouvée ?

Chremès

À l’aage de quatre ans elle fut enlevée,
On vient de me la rendre, et Thaïs l’a chez soy ;
Afin que l’on adjouste à cecy plus de foy,
Dés-lors que vous aurez achevé l’hymenée,
La moitié de mes biens à ma sœur est donnée,
Avec espoir de tout ; mais apres mon trépas :
Quant à vous étaler tous ses autres appas,
Je ne m’en mesle point ; c’est à ceux qui l’ont veuë.

Phœdrie

Chacun sçait la beauté dont Pamphile est pourveuë.

Cherée

Qui la possedera doit s’estimer heureux.

Parmenon, à Damis

Vous-mesme en deviendrez, je le gage, amoureux ;
On ne s’en peut sauver, et fust-on tout de glace.
J’estime sa beauté, mais j’admire sa grace ;
Ne cherchez pas plus loin, Monsieur, et m’en croyez.

Chremès, à Damis

Vous n’en sçauriez juger si vous ne la voyez ;
Aussi bien faudra-t-il prouver cette avanture,
Quoy que mon bien promis assez vous en asseure.
Si ce n’estoit ma sœur, voudrois-je la doter ?
Beaucoup d’autres raisons m’empeschent d’en douter,
L’âge et le temps du rapt peuvent servir d’indice,
Ce qu’en dit mon valet, ce qu’en sçait sa nourrice,
Une marque en son bras, une autre sur son sein.