Page:La Fontaine - Contes, Herhan, 1803.djvu/158

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Aldobrandin était de cette dame
Bail et mari: pourquoi bail ? ce mot-là
Ne me plaît point; c'est mal dit que cela;
Car un mari ne baille point sa femme.
Aldobrandin la sienne ne baillait;
Trop bien cet homme à la garder veillait
De tous ses yeux; s'il en eut eu dix mille,
Il les eût tous à ce soin occupés:
Amour le rend, quand il veut, inutile;
Ces Argus-là sont fort souvent trompés.
Aldobrandin ne croyait pas possible
Qu'il le fut onc; il défiait les gens.
Au demeurant il était fort sensible
A l’intérêt, aimait fort les présents.
Son concurrent n'avait encor su dire
Le moindre mot à l'objet de ses voeux:
On ignorait, ce lui semblait, ses feux,
Et le surplus de l'amoureux martyre;
(Car c'est toujours une même chanson)
Si l'on l'eût su, qu’eût-on fait? que fait-on?
Jà n'est besoin qu'au lecteur je le die.
Pour revenir à notre pauvre amant,
Il n'avait su dire un mot seulement
Au médecin touchant sa maladie.
Or le voilà qui tourmente sa vie,
Qui va, qui vient, qui court, qui perd ses pas:
Point de fenêtre et point de jalousie
Ne lui permet d'entrevoir les appas
Ni d'entr'ouïr la voix de sa maîtresse.
Il ne fut onc semblable forteresse.
Si faudra-t-il qu'elle y vienne pourtant
Voici comment s'y prit notre assiégeant.
Je pense avoir déjà dit, ce me semble,
Qu'Aldobrandin homme à présents était;