Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/106

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Qui prétend contenter tout le monde et son père.
Essayons toutefois si par quelque manière
Nous en viendrons à bout. Ils descendent tous deux.
L’âne se prélassant[1] marche seul devant eux.
Un quidam les rencontre et dit : Est-ce la mode
Que baudet aille à l’aise, et meunier s’incommode ?
Qui de l’âne ou du maître est fait pour se lasser ?
Je conseille à ces gens de le faire enchâsser.
Ils usent leurs souliers, et conservent leur âne !
Nicolas, au rebours : car, quand il va voir Jeanne,
Il monte sur sa bête ; et la chanson le dit.
Beau trio de baudets ! le meunier repartit :
Je suis âne, il est vrai, j’en conviens, je l’avoue ;
Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,
Qu’on dise quelque chose ou qu’on ne dise rien,
J’en veux faire à ma tête. Il le fit, et fit bien.

Quant à vous, suivez Mars, ou l’Amour, ou le prince ;
Allez, venez, courez ; demeurez en province ;
Prenez femme, abbaye, emploi, gouvernement :
Les gens en parleront, n’en doutez nullement.

II

LES MEMBRES ET L’ESTOMAC

Je devais par la royauté
Avoir commencé mon ouvrage :
À la voir d’un certain côté,
Messer Gaster[2] en est l’image ;
S’il a quelque besoin, tout le corps s’en ressent.

  1. Marchant comme un prélat.
  2. L’estomac, en grec.