Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/169

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C’est là tout mon talent ; je ne sais s’il suffit.
Tantôt je peins en un récit
La sotte vanité jointe avecque l’envie,
Deux pivots sur qui roule aujourd’hui notre vie :
Tel est ce chétif animal
Qui voulut en grosseur au bœuf se rendre égal.
J’oppose quelquefois par une double image
Le vice à la vertu, la sottise au bon sens,
Les agneaux aux loups ravissants,
La mouche à la fourmi ; faisant de cet ouvrage
Une ample comédie à cent actes divers,
Et dont la scène est l’univers.
Hommes, dieux, animaux, tout y fait quelque rôle.
Jupiter comme un autre. Introduisons celui
Qui porte de sa part aux belles la parole :
Ce n’est pas de cela qu’il s’agit aujourd’hui.


Un bûcheron perdit son gagne-pain,
C’est sa cognée ; et la cherchant en vain,
Ce fut pitié là-dessus de l’entendre.
Il n’avait pas des outils à revendre :
Sur celui-ci roulait tout son avoir.
Ne sachant donc où mettre son espoir,
Sa face était de pleurs toute baignée :
Ô ma cognée ! ô ma pauvre cognée !
S’écriait-il : Jupiter, rends-la-moi ;
Je tiendrai l’être encore un coup de toi.
Sa plainte fut de l’Olympe entendue.
Mercure vient. Elle n’est pas perdue,
Lui dit ce dieu ; la connaîtras-tu bien ?
Je crois l’avoir près d’ici rencontrée.
Lors une d’or à l’homme étant montrée,
Il répondit : Je n’y demande rien.