Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/280

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Il l’était de Pomone encore,
Ces deux emplois sont beaux ; mais je voudrais parmi
Quelque doux et discret ami.
Les jardins parlent peu, si ce n’est dans mon livre :
De façon que, lassé de vivre
Avec des gens muets, notre homme un beau matin,
Va chercher compagnie, et se met en campagne.
L’ours, porté d’un même dessein,
Venait de quitter sa montagne.
Tous deux, par un cas surprenant,
Se rencontrent en un tournant.
L’homme eut peur : mais comment esquiver ? et que faire ?
Se tirer en Gascon d’une semblable affaire
Est le mieux : il sut donc dissimuler sa peur.
L’ours, très mauvais complimenteur,
Lui dit : Viens-t’en me voir. L’autre reprit : Seigneur,
Vous voyez mon logis ; si vous me vouliez faire
Tant d’honneur que d’y prendre un champêtre repas,
J’ai des fruits, j’ai du lait : ce n’est peut-être pas
De nos seigneurs les ours le manger ordinaire ;
Mais j’offre ce que j’ai. L’ours l’accepte ; et d’aller.
Les voilà bons amis avant que d’arriver :
Arrivés, les voilà se trouvant bien ensemble ;
Et bien qu’on soit, à ce qu’il semble,
Beaucoup mieux seul qu’avec des sots,
Comme l’ours en un jour ne disait pas deux mots,
L’homme pouvait sans bruit vaquer à son ouvrage.
L’ours allait à la chasse, apportait du gibier ;
Faisait son principal métier
D’être bon émoucheur ; écartait du visage
De son ami dormant ce parasite ailé
Que nous avons mouche appelé.
Un jour que le vieillard dormait d’un profond somme,