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L’occupaient. Il avait à ses pieds maint volume,
Et ne vit presque pas son ami s’avancer,
Attaché selon sa coutume.
Leur compliment fut court, ainsi qu’on peut penser :
Le sage est ménager du temps et des paroles.
Ayant donc mis à part les entretiens frivoles,
Et beaucoup raisonné sur l’homme et sur l’esprit,
Ils tombèrent sur la morale.
Il n’est pas besoin que j’étale
Tout ce que l’un et l’autre dit.

Le récit précédent suffit
Pour montrer que le peuple est jugé récusable.
En quel sens est donc véritable
Ce que j’ai lu dans certain lieu,
Que sa voix est la voix de Dieu ?


XXVII

LE LOUP ET LE CHASSEUR

Fureur d’accumuler, monstre de qui les yeux
Regardent comme un point tous les bienfaits des dieux,
Te combattrai-je en vain sans cesse en cet ouvrage !
Quel temps demandes-tu pour suivre mes leçons ?
L’homme, sourd à ma voix comme à celle du sage,
Ne dira-t-il jamais : C’est assez, jouissons ?
Hâte-toi, mon ami, tu n’as pas tant à vivre.
Je te rebats ce mot ; car il vaut tout un livre :
Jouis. — Je le ferai. — Mais quand donc ? — Dès demain. —
Eh ! mon ami, la mort te peut prendre en chemin :
Jouis dès aujourd’hui ; redoute un sort semblable
À celui du chasseur et du loup de ma fable.

Le premier de son arc avait mis bas un daim.