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Soyez-vous l’un à l’autre un monde toujours beau,
Toujours divers, toujours nouveau ;
Tenez-vous lieu de tout, comptez pour rien le reste.
J’ai quelquefois aimé : je n’aurais pas alors,
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l’aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas ! quand reviendront de semblables moments !
Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète !
Ah ! si mon cœur osait encor se renflammer !
Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête ?
Ai-je passé le temps d’aimer ?


III

LE SINGE ET LE LÉOPARD

Le singe avec le léopard
Gagnaient de l’argent à la foire.
Ils affichaient chacun à part.
L’un d’eux disait : Messieurs, mon mérite et ma gloire
Sont connus en bon lieu. Le roi m’a voulu voir ;
Et si je meurs, il veut avoir
Un manchon de ma peau : tant elle est bigarrée,
Pleine de taches, marquetée,
Et vergetée, et mouchetée !
La bigarrure plaît : partant chacun le vit.
Mais ce fut bientôt fait ; bientôt chacun sortit.
Le singe de sa part disait : Venez, de grâce ;