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La plupart s’en fâchaient : mais que leur servait-il ?
C’étaient les plus moqués : le mieux était de rire,
Ou de s’en aller sans rien dire
Avec son soufflet et son fil.
De chercher du sens à la chose,
On se fût fait siffler ainsi qu’un ignorant.
La raison est-elle garant
De ce que fait un fou ? le hasard est la cause
De tout ce qui se passe en un cerveau blessé.
Du fil et du soufflet pourtant embarrassé,
Un des dupes un jour alla trouver un sage,
Qui, sans hésiter davantage,
Lui dit : Ce sont ici hiéroglyphes tout purs.
Les gens bien conseillés, et qui voudront bien faire,
Entre eux et les gens fous mettront, pour l’ordinaire,
La longueur de ce fil ; sinon je les tiens sûrs
De quelque semblable caresse.
Vous n’êtes point trompé ; ce fou vend la sagesse.


IX

L’HUÎTRE ET LES PLAIDEURS

Un jour deux pèlerins sur le sable rencontrent
Une huître, que le flot y venait d’apporter :
Ils l’avalent des yeux, du doigt ils se la montrent ;
À l’égard de la dent il fallut contester.
L’un se baissait déjà pour amasser[1] la proie ;
L’autre le pousse, et dit : Il est bon de savoir
Qui de nous en aura la joie.
Celui qui le premier a pu l’apercevoir
En sera le gobeur ; l’autre le verra faire.

  1. Ramasser.