Page:La Fontaine - Fables, Bernardin-Bechet, 1874.djvu/340

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Que la plus forte passion
C’est la peur ; elle fait vaincre l’aversion,
Et l’amour quelquefois : quelquefois il la dompte ;
J’en ai pour preuve cet amant
Qui brûla sa maison pour embrasser sa dame,
L’emportant à travers la flamme.
J’aime assez cet emportement ;
Le conte m’en a plu toujours infiniment :
Il est bien d’une âme espagnole,
Et plus grande encore que folle[1].


XVI

LE TRÉSOR ET LES DEUX HOMMES

Un homme n’ayant plus ni crédit ni ressource,
Et logeant le diable en sa bourse[2],
C’est-à-dire n’y logeant rien,
S’imagina qu’il ferait bien
De se pendre, et finir lui-même sa misère,
Puisqu’aussi bien sans lui la faim le viendrait faire :
Genre de mort qui ne duit[3] pas
À gens peu curieux de goûter le trépas.
Dans cette intention, une vieille masure
Fut la scène où devait se passer l’aventure :
Il y porte une corde, et veut avec un clou

  1. Allusion à l’aventure du comte de Villa-Medina avec Élisabeth de France, fille de Henri IV, et femme de Philippe IV, roi d’Espagne. Pour attirer Élisabeth chez lui, le comte de Villa-Medina imagina de donner à toute la cour un spectacle qu’il fit monter à grands frais. Pendant la représentation, il fit mettre le feu à son propre palais : puis, profitant du désordre causé par les flammes qui s’élevaient de toutes parts, il s’empara de la reine, et satisfit ainsi le désir qu’il avait de la posséder quelques instants dans ses bras.
  2. Sans argent.
  3. Qui ne plaît pas